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Obligations professionnelles

La Minute Volume 5 numéro 8

Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires : Faisons la lumière sur deux obligations règlementaires

Plus de deux années se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle mouture du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires (le Règlement). Parmi les nouvelles dispositions apportées par ce Règlement, nous souhaitons attirer l’attention des notaires sur deux de celles-ci : la double sauvegarde de l’ensemble des pièces constituant la comptabilité en fidéicommis (article 4, al. 2) ainsi que les règles à suivre lorsque le notaire reçoit d’une personne autre que son client une somme ou un bien au bénéfice de ce dernier (article 18).

Lors de nos inspections, nous constatons fréquemment que les règles émanant de ces deux articles ne sont pas bien intégrées dans la pratique de plusieurs notaires. Toutefois, et il faut le souligner, ce non-respect est généralement dû à de la mauvaise compréhension ou à de l’ignorance de la part du notaire inspecté, et non à de la mauvaise foi. Face à ces observations, nous croyons donc qu’il soit pertinent de rappeler la raison d’être et l’importance de ces dispositions, notamment dans le but d’aider les notaires à rendre leur pratique plus sécuritaire.

La double sauvegarde de l’ensemble des pièces constituant la comptabilité en fidéicommis (article 4)

L’article 4 du Règlement édicte que tout notaire doit conserver une copie de sauvegarde des livres de la comptabilité en fidéicommis ainsi que toutes les pièces justificatives la constituant dans un endroit autre que celui où sont conservés les originaux, et ce, depuis l’entrée en vigueur du Règlement. On entend notamment par « pièces justificatives constituant la comptabilité » la copie des relevés bancaires, le livre de dépôt, les pièces constituant un transfert électronique de fonds, la copie recto verso des chèques encaissés et des chèques visés encaissés ainsi que la copie des traites émises du compte en fidéicommis. Quant à lui, le terme « endroit autre » signifie aussi bien un lieu physique en dehors du domicile professionnel du notaire, lequel devra être déclaré à l’Ordre à l’aide de la demande d’autorisation appropriée, qu’un endroit dématérialisé, c’est-à-dire la sauvegarde en ligne (ou l’externalisation) auprès d’un fournisseur accrédité par l’Ordre. Toutefois, dans ce dernier cas, si le fournisseur n’est déjà pas accrédité par l’Ordre, le notaire devra faire une demande en ce sens à l’aide du formulaire « Externalisation de documents technologiques – Demande d’autorisation » disponible sur l’Inforoute notariale dans la section « Votre dossier / Votre dossier administratif / Greffe ».

Lors de nos inspections, nous constatons que cette obligation réglementaire crée un sentiment de lourdeur pour les notaires en matière de gestion documentaire. Toutefois, malgré cette perception, cette disposition n’en demeure pas moins nécessaire. Nous invitons les notaires qui s’interrogent sur le bien-fondé de celle-ci à se souvenir de la tragédie du Lac Mégantic et de la destruction de greffes de notaires; l’article 4 vient tout simplement pallier une lacune qui fut alors constatée puisque le notaire n’avait pas cette obligation de double sauvegarde de sa comptabilité en fidéicommis. Généralement, les livres de la comptabilité en fidéicommis ainsi que les pièces justificatives, n’étaient, très souvent, conservés que dans la voûte ou le classeur ignifuge du notaire, à son domicile professionnel. Mais qu’arrive-t-il à ces documents en cas d’incendie majeur ? Poser la question, c’est y répondre! Si le Code de procédure civile offre des pistes de solution pour la reconstitution de certains documents, dont les actes authentiques, il n’y a pas d’équivalent pour les documents liés à la comptabilité en fidéicommis, qui pourtant revêtent une importance considérable.

Les règles à suivre lors de la réception d’une somme ou d’un bien d’un tiers au bénéfice d’un client (article 18)

Soulignons d’entrée de jeu que l’article 17, portant sur l’émission des reçus et la façon de les remettre, est généralement bien maîtrisé par les notaires. Cependant, les obligations liées à l’article 18, semblent, pour leur part, moins bien comprises et peu respectées. Il nous apparaît donc opportun de rappeler qu’aux termes de cette disposition, le notaire doit contrôler l’identité de toute personne qui lui remet une somme ou un bien au bénéfice d’un client, à l’exception des organisations mentionnées à l’article 3 du Règlement sur la tenue des dossiers et des études des notaires. Qui plus est, le notaire doit également obtenir une autorisation écrite de son client avant de procéder au dépôt dans son compte en fidéicommis d’une somme provenant d’une autre personne que le client lui-même. Outre le fait que cette autorisation doit être écrite, aucun support précis n’est prescrit; toutefois, il va sans dire que le notaire doit être capable d’en faire la preuve.

Si toutefois cette somme provient directement du client, il n’est pas requis d’obtenir l’autorisation de celui-ci avant de déposer la somme, mais il est recommandé de recevoir une confirmation écrite de sa part indiquant que cette somme provient de ses propres deniers. À l’instar de l’autorisation, aucun support précis n’est prescrit pour telle confirmation.

Cette confirmation ou, le cas échéant, l’autorisation écrite pourrait, par exemple, être inscrite au contrat de service professionnel ou encore sur l’état des « déboursés » de l’acquéreur, en tenant compte, naturellement, du fait que l’autorisation écrite doit être obtenue avant le dépôt de la somme dans le compte en fidéicommis du notaire.

Encore une fois, plusieurs notaires ont exprimé leur mécontentement face à la « lourdeur » qu’amènent ces nouvelles règles. À la question qui brûle les lèvres : « Pourquoi avoir ajouté ces dispositions au Règlement? », nous vous répondons qu’il s’agit de mesures nécessaires afin de déterminer la provenance des sommes ou des biens reçus, pour pouvoir, le cas échéant, les remettre à la personne à qui ils appartiennent réellement. Dans une plus large mesure, cet article vise également à contrer le blanchiment d’argent.

En conclusion…

Nous savons que les nouvelles obligations qui ont été insérées au Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires apportent certains défis dans la pratique des notaires, tant en matière de gestion de dossiers qu’en matière de gestion d’étude. C’est pourquoi nous espérons sincèrement que ce texte aura le mérite d’apporter un éclairage supplémentaire quant à l’application de ces deux articles du Règlement, et ce, afin d’aider les notaires à bien les intégrer dans leur pratique. En effet, c’est sans aucun doute une mission que se dote le Service de l’Inspection professionnelle que d’agir parfois en « allumeur de réverbères ».

Pour plus de détails ou pour obtenir des informations supplémentaires, nous vous invitons à consulter les différents outils que l’Ordre a mis en ligne sur l’Inforoute notariale dont, notamment, les Lignes directrices et la Foire aux questions

 

Dominic Ducharme, Inspecteur

 

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