Retour à la liste

Articles

Obligations professionnelles

La Minute Volume 2 Numéro 6

Transactions immobilières risquant d’être frauduleuses : comment s’éviter des ennuis!

Votre vigilance peut malheureusement s’avérer insuffisante pour vous prémunir contre les stratagèmes mis en place par certains penseurs peu frileux. Un bref rappel de certains de ces stratagèmes pourra, nous l’espérons, vous éviter bien des ennuis.

Voyons certaines situations particulières constatées au fil des ans et qui devraient vous soulever des soupçons :

  •  L’acquéreur déclare avoir versé un acompte supérieur à celui indiqué à la promesse d’achat et ce faisant, le notaire est appelé à lui remettre des sommes suite à la vente.
  • Le courtier immobilier fournit la mise de fonds à l’acquéreur et se fait rembourser subséquemment par le notaire.
  • Le vendeur offre à l’acquéreur de lui payer 6 ou 12 mois de remboursements hypothécaires en diminuant d’autant le prix de vente ou en lui remettant au moyen de versements  mensuels  consécutivement à la vente[1].
  • Un solde de prix de vente non garanti est donné par le vendeur à l’acquéreur pour une période déterminée (10 à 30 jours) afin de permettre à ce dernier de procéder à la revente de l’immeuble à un prix supérieur et ainsi  fournir à l’acquéreur les sommes requises pour effectuer son achat.
  • Des rabais ou notes de crédit sont consentis par le vendeur à l’acquéreur hors la connaissance du créancier.  Certains employés du créancier peuvent être informés, mais ne consignent pas l’information au dossier.
  • Une mise de fonds fictive est temporairement fournie par l’acquéreur, mais lui est consécutivement remise par le vendeur ou le notaire au moyen d’un chèque.
  • Seul le déboursé hypothécaire est fourni pour effectuer l’achat et en acquitter le prix.  Souvent aucun ajustement n’est requis.
  • La « ristourne » de taxes (TPS – TVQ) est versée au vendeur par l’acquéreur sur réception de remboursement.  Pour garantir ce paiement, un prêt personnel constaté par billet ou une deuxième hypothèque est consenti par l’acquéreur au bénéfice du vendeur.
  • Le notaire est appelé à utiliser son compte en fidéicommis pour effectuer divers paiements à des tiers sans raison apparente ou légitime.
  • Le notaire omet systématiquement d’obtenir ou de retenir les fonds jusqu’à publication. 
  • Le déboursé hypothécaire d’un débiteur est utilisé pour permettre à la fois au vendeur d’acquérir et de revendre l’immeuble à l’acquéreur (débiteur).
  • Afin d’obtenir un financement plus élevé (jusqu’à concurrence de 95% de la valeur de la propriété plutôt que 80% lors d’un refinancement), l’un des copropriétaires vend sa quote-part à l’autre, laquelle est suivie d’une contre-lettre à l’effet contraire.
  • Un immeuble est revendu à un prix artificiellement gonflé.
  • Le notaire se voit confier des sommes ou des biens sans qu’ils ne soient rattachés à l’exécution d’un contrat de service licite ou sous prétexte d’une transaction à venir.[2]

Si vous croyez être en présence de telles situations, n’hésitez pas à remplir activement votre rôle d’officier public : 

  • Questionnez toutes les parties impliquées ainsi que le créancier hypothécaire
  • Assurez-vous de conserver des preuves à cet effet à votre dossier.
  • Exercez votre devoir de conseil activement et informez toutes les parties prenantes (incluant le créancier hypothécaire) des conséquences juridiques normalement prévisibles.
  • Assurez-vous d’avoir toutes les sommes requises [3] (et suffisantes) en votre possession et qu’elles soient disponibles avant d’effectuer la transaction.
  • Vérifiez la provenance des fonds qui vous sont remis.
  • Refusez de permettre une utilisation complaisante de votre compte en fidéicommis notamment en effectuant des paiements à des tiers. Le notaire se doit d’utiliser les sommes qui lui sont confiées aux seules fins pour lesquels elles lui furent versées et n’a pas à jouer le rôle d’une banque.
  • Méfiez-vous si le montant de vos honoraires n’est jamais remis en question ou si l’on vous fait miroiter la venue de nombreuses transactions similaires.
  • Insister pour parler personnellement aux parties et ne pas laisser un tiers s’immiscer dans votre dossier.
  • Refusez immédiatement d’agir si une personne vous incite à l’accomplissement d’actes illégaux ou frauduleux ou si vous avez des motifs de croire que vous pourriez y contribuer [4] .
  • Rappelez-vous que les contre-lettres sont signées dans des circonstances exceptionnelles et ne devraient pas être utilisées à des fins illégales.
  • Refusez de recevoir des fonds, valeurs ou autres biens sans qu’ils soient rattachés à l’exécution d’un contrat de service licite et clairement défini.  Votre compte en fidéicommis ne doit pas être utilisé comme une banque pour vos clients.

Même involontairement, un notaire peut voir sa responsabilité déontologique être engagée malgré lui. La prudence est de mise.  La simplicité et la rapidité d’exécution de certaines transactions sont souvent vos pires ennemis.  Si votre transaction vous semble « trop belle pour être vraie » [5], vous devriez être encore plus aux aguets.

À titre d’officier public qui conférez l’authenticité à des actes de nature privée, vous devez vérifier la véracité des informations que vous y consignées et éviter de participer malgré vous à la commission d’un acte illégal ou frauduleux ou pire, de leur conférer une certaine légitimité.

par Diane Gareau, Syndic
et Geneviève Collins, notaire-enquêteur

 


[1] Ces transactions nous furent rapportées comme une pratique mise en place par certains promoteurs immobiliers. Le notaire se doit d’aviser sans délai le créancier hypothécaire et d’obtenir son consentement à ce qu'une partie du financement hypothécaire soit remise à l’acquéreur en guise de versements hypothécaires anticipés. Bien que cette façon de faire laisse croire à une hausse artificielle de prix de vente, il importe que le créancier accepte cette façon de faire fort questionnable d’autant plus que souvent, ces prêteurs sont assurés par la SCHL ou autre assureur hypothécaire.

[2] Les reçus que vous avez émis sont utilisés pour laisser croire qu’un dépôt vous a été fait.

[3] Ces sommes comprennent la mise de fonds et les ajustements.  Si des sommes furent confiées au vendeur, vous devriez avoir une mention à cet effet dans la promesse d’achat et le créancier doit en être informé si ce n’est déjà fait.  Au surplus, les sommes que vous détenez doivent permettre de rembourser tous les débours.

[4] Article 26 du Code de déontologie des notaires RLRQ, c.N-3, r.2.

[5] Anglicisme : « to good to be true »

Sur le même sujet, voir notamment:

  • Diane Gareau « Mise en garde :  transactions comportant des hausses artificielles de prix de vente », Entracte, volume 18, numéro 7, page 13
  • Diane Gareau « Spéculation ou fraude immobilière :  êtes-vous à risque ? », Entracte, volume 17, numéro 10, page 11
  • Communiqué « Fraude immobilière » le 17 février 2005
  • Yves Larivée « Fraude immobilière et vérification d’identité », Entracte, volume 12, numéro 20, page 2;
  • Jean-Pierre Bertrand « Fraude immobilière », Entracte, volume 9, numéro 3, page 6;
  • Jean-Pierre Bertrand « Mise en garde concernant des actes de ventes d’immeuble(s) dont le prix semble avoir été haussé articifiellement », Entracte, volume 6, numéro 7, page 16.

Partager