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Mot du président / Nouvelle politique de gouvernance du FEN / Modifications à certains règlements Volume 3 Numéro 16
La maturité psychologique
Témoignage
Par Jessyca Boucher, notaire
Mon message s’adresse aux jeunes et aux moins jeunes professionnels. Bref, à tous ceux qui se demandent parfois quelle est leur place parmi toutes celles qui s’offrent lorsqu’on détient un baccalauréat en droit. Je m’adresse également à toi, qui as peut-être perdu de vue les objectifs que tu t’étais donnés au tout départ de ton cheminement de juriste.
Pour vous mettre en contexte, j’ai d’abord exercé comme avocate et je suis nouvellement notaire. J’ai beaucoup cherché ma place. La question fondamentale à laquelle j’ai dû répondre à maintes reprises est la suivante : « Pourquoi avoir choisi le droit comme parcours professionnel ? » J’en suis toujours venu à la conclusion que c’était beaucoup pour aider les gens.
Oui, j’ai commencé par exercer le droit comme avocate, car cela semblait couler de source à la fin de mon baccalauréat. J’étais jeune, j’arrivais sur le marché du travail et j’avais déjà un emploi avant même de terminer mon baccalauréat. Au début, j’ai aimé ce type de pratique où j’atteignais mon objectif d’aider et d’outiller les gens, et ce, jusqu’à ce que je me rende compte que je devais toujours prendre position. J’avais, dès la survenance de la « mise en demeure », l’impression d’être obligée de devenir partiale sans pouvoir en arriver à une entente satisfaisante pour chacune des parties en cause. Je n’ai jamais aimé la confrontation, autant avec les collègues qu’avec les clients. J’ai alors compris que j’étais « juste correcte au travail », mais cela ne me convenait pas. Je m’étais donc un peu perdue… pendant près de 3 ans.
Je me suis donc reposé « LA » question : « Pourquoi avoir choisi le droit ? » Mon travail aurait pourtant dû m’apporter à peu près tout ce que je pensais vouloir sur le plan professionnel, mais je m’y étais lancée sans réfléchir à fond. J’en suis alors venu à la conclusion que j’aurais peut-être dû envisager la profession de notaire afin d’exercer le droit, conseiller les clients, mais sans évoluer dans un milieu de confrontation. Je me suis donc lancé un nouveau défi, soit de quitter une profession qui n’était pas totalement faite pour moi afin de retourner aux études à temps plein pour compléter la maitrise en droit notarial. Sur le plan émotif et cérébral, tout était bien réglé. Par contre, du côté logistique, ce fut autre chose puisque j’habitais à plus d’une heure de route d’une Faculté de droit, avec maison, famille et cercle d’amis bien établis. Voilà donc que je retournais aux études à temps plein, ce qui impliquait de nouveau beaucoup d’investissement en temps et en argent.
J’ai terminé récemment ma maitrise avec inscription au Tableau de l’Ordre en bonne et due forme. Roulements de tambour et trompettes, je suis maintenant notaire ! Lors de mon assermentation, j’avais un sentiment de grande fierté du chemin parcouru et j’étais alors certaine d’avoir trouvé ma voie. En fait, j’étais certaine d’avoir pris enfin le bon embranchement. La tête remplie de promesses d’avenir, j’ai commencé la pratique, d’abord dans un petit bureau pour compléter mon stage, puis dans un plus grand. J’ai débuté en pratique traditionnelle, que moi, j’appelle « du notariat classique » : rencontrer des clients, résoudre leurs problèmes, rédiger des contrats, expliquer le droit, etc. Nouvelle déception, j’ai constaté que ce type de pratique me donnait l’effet d’un « carcan » que je m’imposais et qui n’était pas pour moi. Je restais sur mon appétit dans l’aspect relation d’aide. J’allais m’entêter à persister, en me disant qu’après avoir pris la décision de quitter le Barreau, je me DEVAIS d’aimer ce « notariat classique », surtout après tous les sacrifices et les difficultés surmontées.
C’est alors que je me suis encore une fois posé « LA » fameuse question « Pourquoi avoir choisi le droit ? ». Comment suivre ma voie ? Je devais trouver ma voie. C’est en réfléchissant et en réfléchissant encore que j’ai pensé aux méthodes alternatives d’exercer le droit : organismes gouvernementaux, organismes privés, sociétés privées, etc. C'est à ce moment que j'ai pensé au service La Boussole, offert aux jeunes notaires. J'ai appelé sans trop savoir à quoi m’attendre, peut-être juste afin de recevoir une sorte d’aide « technique », une recette à suivre ? J'y ai découvert toute une dimension humaine, une écoute des difficultés rencontrées par les jeunes professionnels que nous sommes. Je me suis sentie valorisée. J’ai senti que mon bien-être dans la profession était pris au sérieux et qu’il préoccupait aussi mon Ordre professionnel. Suite à mes échanges avec La Boussole, je souhaite que tous mes collègues qui en ressentent le besoin se donnent cette chance d’échanger, et ce, sans jugement. Cela aide à prendre du recul sur sa situation. Parfois, on a le nez trop collé à la vitre pour bien voir !
Bref, dans cette nouvelle démarche de réflexion, j'ai vu passer une offre d'emploi qui semblait correspondre en tous points à mes besoins, à mes aspirations que j’identifiais maintenant mieux. Encore une fois, j'ai sauté à pieds joints dans l’aventure, ne sachant pas trop à quoi m'attendre. J’ai eu la chance d’être sélectionnée, à la suite d’une entrevue, pour faire partie d'une petite équipe ayant à cœur l'intérêt de la justice dans un Centre de justice de proximité. Voilà devant moi un nouveau défi. Qui sait où cela pourra me mener !
Il existe toujours d’autres opportunités. Nous travaillons un nombre incalculable d’heures pour nos clients… J’ai pris la décision de m’écouter et de faire en sorte que ma carrière s’exerce en harmonie avec les objectifs que je me suis donnés au départ. Jusqu’à présent, il y a eu des bas, lorsque je devais me questionner, mais aussi des hauts, lorsque je décidais de prendre un nouvel embranchement afin de poursuivre plus loin dans ma vision du droit. Je doute que j’aie à ce jour terminé avec les questionnements. J’aurai probablement plus tard à faire face à un nouvel embranchement et je poursuivrai toujours en me reposant « LA » question : « Pourquoi avoir choisi le droit ? ».
Merci à Jessyca pour cette authenticité !
La maturité psychologique est un processus d’évolutions qui aboutit à un développement psychologique optimal et autonome. Être plus attentif à soi et aux autres et prendre le temps de la réflexion avant d’agir sont une preuve de maturité à n’importe quel âge !
Anne Boutin, notaire
Soutien professionnel aux notaires