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Obligations professionnelles
La Minute Volume 4 Numéro 8
Les avances d’honoraires : un casse-tête chinois ?
Par Josée Roy, Inspecteur
Lors de nos inspections professionnelles, nous constatons régulièrement que nous devons « apaiser » la perception de lourdeur qu’amène l’idée de la gestion des avances d’honoraires dans le cadre de l’application du nouveau Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires. Il est vrai qu’il est difficile de souscrire à certains changements lorsque le pourquoi et le comment demeurent occultes.
Resserrement des règles concernant les avances d’honoraires : Pourquoi ?
En novembre 2017, l’Office des professions rappelait aux 46 Ordres que les membres d’un ordre professionnel ne peuvent détenir des avances d’honoraires qu’en conformité avec les articles 89 et 89.1 du Code des professions. Cette possibilité de détention n’est permise que si le conseil d’administration de l’Ordre professionnel l’autorise expressément par règlement, lequel doit par ailleurs déterminer les modalités et les normes relatives à la détention et à la disposition de ces sommes.
Rappelons d’entrée de jeu que l’article 52 du Code de déontologie des notaires mentionne ce qui suit : « Le notaire ne peut exiger par anticipation le paiement de ses honoraires, il peut cependant exiger des avances sur ses honoraires et débours. » Puisque l’Ordre autorisait déjà les notaires à exiger de leurs clients des avances d’honoraires, et soucieux de maintenir la confiance et la protection du public, il a rapidement répondu aux exigences de l’Office des professions et a complété la révision des dispositions du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires afin, notamment, d’y intégrer des modalités et des normes de détention et de disposition des sommes qu’un notaire peut exiger à titre d’avances d’honoraires.
Ainsi, le 1er janvier 2018, le nouveau Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires entrait en vigueur. Il va sans dire que ces modifications réglementaires ont nécessairement apporté certains changements à la pratique des notaires.
L’application des nouvelles règles dans le cadre d’un mandat lié à la radiation d’une charge : Comment ?
Dans le cadre de tout type de dossier, notamment lors de l’exécution d’un mandat lié à la radiation d’une charge, le notaire peut exiger des avances d’honoraires et débours. Toutefois, ceux-ci doivent être gérés en respect du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires.
Ainsi, toutes avances d’honoraires et de débours reçues doivent être déposées au compte en fidéicommis et le notaire pourra prélever ses honoraires et débours conformément aux dispositions du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires et aux Lignes directrices adoptées par le conseil d’administration de l’Ordre.
Dans le cadre d’un mandat lié à la radiation d’une charge, deux options de perception d’honoraires sont acceptables :
1re option : Par un prélèvement unique, après l’accomplissement TOTAL de son mandat. Dans ce cas, le notaire prélèvera les frais et honoraires liés à un mandat de radiation après l’inscription de cette radiation au registre foncier. Il est à noter que le dépôt de l’acte de radiation n’est pas suffisant et que ce dernier doit être indexé au registre foncier.
En conséquence, à la fin de l’accomplissement de son mandat, le notaire n’émettra qu’une seule note d’honoraires et procédera à un seul prélèvement de ses honoraires et de ses frais. Le notaire aura, bien entendu, obtenu du client une autorisation écrite et aura remis à celui-ci sa note d’honoraires, avant de procéder audit prélèvement.
2e option : Par des prélèvements partiels représentant pour chacun le travail accompli au moment où le prélèvement est effectué.
Aux fins de compréhension de la 2e option, voici ce qui peut être fait :
Un premier prélèvement peut être effectué par le notaire après la publication de la vente sans inscription préjudiciable afin de couvrir les travaux accomplis (demande de relevé de prêt auprès de l’institution financière, rédaction d’un projet d’acte de radiation, envoi du projet d’acte de radiation et du chèque au créancier, comptabilité, etc.) ainsi que les frais encourus au moment du prélèvement. Donc, au premier prélèvement, seule une partie des honoraires professionnels représentant les travaux réellement effectués ainsi que les frais alors encourus pourront être facturés et prélevés par le notaire. Il est entendu que le notaire devra remettre au client la note d’honoraires intérimaire avec la mention « payée » sur cette dernière.
Dans le cadre d’un refinancement hypothécaire, le prélèvement d’une partie des honoraires et des frais encourus pourra s’effectuer une fois l’acte de garantie hypothécaire signé et publié au registre foncier. Le prélèvement du solde des honoraires et des frais sera fait après que le notaire ait vérifié que l’acte de radiation a été dûment indexé au registre foncier.
Dans tous les cas, le notaire devra s’assurer d’avoir obtenu l’autorisation écrite du client pour tout prélèvement d’honoraires et de frais, et ce, avant le prélèvement. Il est important de noter que l’autorisation de prélèvement doit être obtenue du client par un écrit dûment signé par celui-ci, par exemple sur la feuille de décaissement, avant d’être conservé au dossier. L’autorisation doit indiquer les travaux effectués, les montants d’honoraires et les frais déboursés en lien avec chacun de ces prélèvements.
Rappelons également que le notaire désirant procéder par plus d’un prélèvement d’honoraires et de déboursés devra nécessairement émettre deux (2) notes d’honoraires, soit une intérimaire et une finale. La note intérimaire sera émise lors du premier prélèvement et la deuxième après l’inscription de la radiation au registre foncier.
Toutefois, avant d’effectuer le dernier prélèvement, le notaire devra remettre au client la note d’honoraires finale avec la mention « payée » sur cette dernière. Cette remise pourra se faire par courriel ou autrement.
Enfin, il nous semble important de rappeler qu’une note d’honoraires est, par définition, un état de la rétribution que demande un professionnel en contrepartie des services professionnels qu’il a réellement rendus. Ainsi, toute note d’honoraires émise par le notaire doit représenter les travaux déjà accomplis lors de son émission. Par conséquent, le notaire ne peut remettre au client une note d’honoraires représentant des travaux à venir.
Les principes à respecter
En résumé, voici quelques principes à respecter en conformité avec les dispositions du nouveau règlement :
- La signature d’un contrat de service professionnel est toujours à privilégier afin de déterminer les termes du mandat confié ainsi que le montant des honoraires, déboursés et les modalités de paiement ;
- Une autorisation écrite spécifique pour la perception de vos honoraires doit être obtenue, le tout conformément à l’article 54 du Code de déontologie des notaires ;
- Si les honoraires et débours sont payés par le client avant que la prestation de service ne soit accomplie, ceux-ci doivent être déposés au compte en fidéicommis du notaire, et ce, quel que soit le mode de paiement. Ainsi, si un client vous avance ces sommes par carte de crédit vous devez les déposer à votre compte en fidéicommis, et ce, sans délai ;
- Toute avance d’honoraires doit faire l’objet d’un reçu et doit évidemment être inscrite à la carte comptable du client jusqu’à l’exécution complète du mandat (ne pas les transférer à la carte notaire).
Naturellement, si vous n’avez pas de compte en fidéicommis, vous ne pouvez pas recevoir d’avances d’honoraires.
En conclusion
Nous savons que les défis liés aux changements réglementaires sont nombreux. En effet, l’adoption des nouvelles dispositions du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires a affecté la pratique quotidienne des notaires, notamment quant aux modalités entourant la gestion des sommes et des biens qu’ils détiennent en fidéicommis, mais elle a également amené les notaires à revoir la gestion de leur étude.
Ceci dit, il est important de se souvenir que les principes établis par le Code des professions entourant la détention de sommes ou de biens par le membre d’un ordre professionnel - incluant les avances sur honoraires - sont des mécanismes fondamentaux pour la protection du public. Constituant des règles impératives de droit, le client ne pourrait, en aucune façon, libérer le notaire de ses obligations.