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PL 16 sur la copropriété et droit sur les mutations immobilières Minute Express - 19 décembre 2019

PL 16 SUR LA COPROPRIÉTÉ | Recommandations quant aux acomptes dans vos comptes en fidéicommis

Le 6 décembre dernier était adopté le projet de loi 16, visant notamment la refonte de l’encadrement de la copropriété divise. La majorité des articles de cette loi entrera en vigueur le 10 janvier 2020, sous réserve d’exceptions.

Parmi ceux-ci, la Chambre souhaite attirer votre attention sur des spécifications entourant les dispositions du versement d’un acompte dans un compte en fidéicommis.

L’article 1791.1 C.c.Q précise que :

« 1791.1 Malgré toute convention contraire, tout acompte versé à un constructeur ou à un promoteur en vue de l’achat d’une fraction de copropriété divise doit être protégé entièrement par un ou plusieurs des moyens suivants : un plan de garantie, une assurance, un cautionnement, ou un dépôt dans un compte en fidéicommis d’un membre d’un ordre professionnel déterminé par règlement du gouvernement.  

L’acompte peut également être protégé par un autre moyen prévu par règlement du gouvernement.

L’acompte est remis à celui qui l’a versé si la fraction de copropriété n’est pas délivrée à la date convenue. »

[le texte en gras réfère aux commentaires ci-après

Bien que cet article entrera en vigueur le 10 janvier, les dispositions édictées par « règlement du gouvernement » ne seront effectives, quant à eux, qu’à la suite de la rédaction de celui-ci, ce qui peut prendre des mois.

Dans ces circonstances, la Chambre tient à vous partager des recommandations.

 

Recommandations :

La Chambre estime que la possibilité pour le notaire de recevoir un acompte en fidéicommis, en vue de l’achat d’une fraction de copropriété, n’est pas remise en cause malgré l’absence du règlement pris en application de l’article 1791.1 C.Q.

En effet, la Chambre considère qu’il faut privilégier une interprétation large et libérale de cette disposition.

Les gestes posés par le notaire dans ce contexte demeurent circonscrits par son devoir de conseil ainsi que par ses autres obligations déontologiques et réglementaires, notamment celles prévues au sein du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis du notaire1.

Par ailleurs, la Chambre a institué un Fonds d’indemnisation afin de protéger le public dans l'éventualité où un membre de l’Ordre utiliserait les sommes qui lui sont confiées en fidéicommis dans l’exercice de sa profession à des fins autres que celles pour lesquelles elles lui avaient initialement été confiées.

Par conséquent :

  • La Chambre considère que le Fonds d’indemnisation se compare à une assurance2 au sens de 1791.1 C.c.Q., laquelle assurance est destinée à protéger les personnes ayant confié des sommes en fidéicommis au notaire et qui auraient été utilisées à des fins autres ;
  • La Chambre est d’avis que l’acompte versé dans le compte en fidéicommis du notaire constitue un moyen de protection suffisant pour répondre aux exigences de l’article 1791.1 C.c.Q., pour autant que le montant reçu n’excède pas, pour chaque prestation3, l’indemnité maximale payable par le Fonds d’indemnisation (100 000 $). Si le montant excède cette indemnité, l’acompte versé devra nécessairement être couvert par un autre moyen (plan de garantie, une autre assurance ou un cautionnement).

Enfin, on note que le reste de l’article 1791.1 C.c.Q. apparaît être d’application immédiate. Ce faisant, à partir du 10 janvier 2020 et nonobstant toute convention contraire, tout acompte détenu ou versé en fidéicommis ne pourra être versé au constructeur ou au promoteur :

  • que lorsque l’acheteur détiendra un bon et valable titre de propriété sur la fraction de copropriété divise ; ou encore
  • avant la vente :
    • qu’avec l’assentiment  de celui qui a remis l’acompte, et;
    • que si le notaire est en mesure de s’assurer que l’acompte est garanti (par un plan de garantie, une assurance ou un cautionnement) et qu’il le demeurera jusqu’à la date de la vente.  

Autrement, la Chambre considère qu’il ne sera pas possible de remettre l’acompte au promoteur ou au constructeur avant la vente.

Il est à noter que la loi prévoit aussi que l’acompte devra être remis à celui qui l’a versé si la fraction de copropriété n’est pas délivrée à la date convenue. Le concept de la « date convenue » en est un nouveau, qui n’est pas circonscrit par la loi, et qui fera l’objet de recommandations ultérieures de la Chambre (p. ex. que les parties apportent des précisions à cet égard dans l’avant-contrat).

Cela dit, il faut rappeler que le notaire appelé à détenir un acompte ne peut être seul juge pour déterminer le moment de la remise, la personne à qui l’acompte doit être remis ainsi que les conditions de remise4.

Ainsi, pour la remise d’un acompte, en plus du respect des conditions énumérées à l’article 1791.1 C.c.Q. et au Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires5, la Chambre estime que le notaire devra recevoir :

  • dans le cas d’un plan de garantie : une attestation du gestionnaire du plan de garantie confirmant au notaire la protection accordée;
  • dans le cas d’une assurance ou d’un cautionnement : une preuve d’existence d’une telle protection couvrant les acomptes jusqu’à la date de livraison et ne comportant aucune condition pour son maintien en vigueur (ex : paiement d’une prime annuelle), et ;
  • dans tous les cas : l’autorisation écrite du déposant. 

 

Les suites de cette infolettre

Qu’il s’agisse des mesures portant sur l’acompte versé en fidéicommis, l’introduction d’un carnet d’entretien, l’étude du fonds de prévoyance ou encore la remise d’informations essentielles avant la finalisation de l’achat d’une fraction de copropriété divise, la réforme du droit de la copropriété au Québec impliquera nécessairement des ajustements au sein de la pratique notariale.

La Chambre vous guidera dans la mise en œuvre de la loi, dont la majorité des dispositions entrera en vigueur le 10 janvier 2020.

En ce sens, des suivis réguliers vous seront faits au cours des prochains mois de manière à vous accompagner dans cette transition, en plus des activités de sensibilisation et de formation.


1 RLRQ, c. N-3, r. 5.2. Voir également les conditions que prévoit le règlement à l’égard du compte spécial en fidéicommis.

2 Voir notamment Domaine Ti-Bo inc. c. Comité exécutif du Barreau du Québec, 2010 QCCS 1334.

3 On entend par « prestation », l’exécution de services professionnels par un notaire en vue de réaliser le contrat de service qui lui a été confié au bénéfice de plusieurs personnes. Voir art.18 du Règlement sur le fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires du Québec, RLRQ, c. N-3, r. 8.1.

Stéphane BRUNELLE, « La comptabilité en fidéicommis », R.D., n.s., Doctrine, Pratique notariale, document 2, à la p.86 : « Lorsque le notaire détient une somme ou un bien pour une fin précise liée à l’exercice de la profession et que les conditions de remise excèdent ce que prévoit l’article 27 du Règlement, il est recommandé que le notaire signe, avec les clients concernés par cette détention « exceptionnelle », une convention énonçant clairement les raisons de la détention, les conditions de remise de la somme ou du bien et des clauses de limitation de responsabilité et de sortie destinées à protéger le notaire. […] Une telle convention porte le nom de convention de détention ou de « convention d’écrou » ou « convention d’entiercement ». Voir également Groupe Axxco Inc. c. Les Immeubles F.R. Inc., 2017 QCCA 2010.

5 RLRQ, c. N-3, r. 5.2.

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